« Mes chers citoyens, le conflit outre-mer a bouleversé le monde et a intensifié les tensions ici, chez nous. La violence, les pertes – cela ne peut être ignoré. Israël, notre allié de confiance, fait face à une agression incessante de la part de la Palestine. Nous ne pouvons pas rester passifs alors que le chaos menace la stabilité de notre monde. Pour protéger la liberté, le progrès et nos intérêts communs, les États-Unis fourniront à Israël tous les outils nécessaires pour se défendre et mettre fin à ce conflit. Notre soutien militaire garantira qu'Israël triomphe face à ceux qui cherchent à menacer la paix et l'ordre.
Ce n'est pas seulement le combat d'Israël; c'est le nôtre. Et nous ne faiblirons pas. »
La silhouette imposante du président recule. La salle éclate en applaudissements tandis que l'écran devient noir. Quelques instants plus tard, l'image vacille, révélant un petit homme rondouillard, portant des lunettes rouges et épaisses qui dominent son visage. Il les ajuste nerveusement et réarrange la pile de papiers qu'il tient devant lui avant de parler.
« Ce que nous observons avec la montée des températures est sans précédent. L'étendue des locustes ne cesse de s'élargir à un rythme alarmant. Ces insectes ravagent des champs entiers en quelques heures, augmentant le prix de la nourriture alors que la crise mondiale de la faim s'aggrave. »
La scène passe à des enfants faisant la queue pour de la nourriture, la file s'étendant au-delà de l'écran. La voix de l'homme revient.
« Des situations comme celle-ci ne deviendront que plus courantes dans les mois à venir, à moins que… »
La petite machine en métal, semblable à un téléviseur, s'éteint. Je me retourne pour voir la télécommande dans les mains de Yannis, son pouce sur le bouton « off ».
« Tu n'étais pas obligé de l’éteindre, » murmurais-je, ajustant mon sac à dos.
Yannis hausse les épaules. « À quoi bon ? Plus de bombes. Plus de morts. Plus de mauvaises nouvelles. »
Je ne le contredis pas, il avait raison. Depuis des années, nous poussons le monde au bord de la destruction. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne se force à retrouver son homéostasie.
Au loin, je commence à distinguer les ruines d'une vieille station d'essence. Autour, quelques abris improvisés jonchent le paysage, offrant refuge aux désespérés et aux damnés. Le vent hurle à travers le désert, fouettant la poussière et le sable contre nos visages tandis que nous avançons. Le ciel, plongé dans des teintes de gris foncé et de rouge, cache des incendies brûlant quelque part au-delà de l'horizon.
Les marchands s'agitent, yeux creux, peaux brûlées par le soleil, essayant de vendre des restes de nourriture, des outils rouillés; n'importe quoi qui permettra de survivre un jour de plus. Les squatteurs, étendus contre les murs, observent les environs avec une faim silencieuse et impatiente.
Yannis accélère le pas, attiré par le premier kiosque que nous croisons. Un homme, portant un habit blanc déchiré, est assis derrière sa table encombrée de vieux livres. Il nous fait signe, ses yeux alourdis par le désespoir.
« Vous avez entendu ? » demande-t-il, sa voix rauque à cause de l'air sec du désert. « La fin des temps est là. Comme ça a été écrit. »
Yannis hésite avant de s'approcher. « Écrit où ? »
« Dans le Coran. La Torah. La Bible. » Le marchand tape du doigt une page dont les bords étaient brunis par l'âge. « Les signes sont tous là. Les ravages des locustes. Les incendies. La guerre entre les enfants d'Ismaël et d'Isaac. »
Le discours du président me repasse dans la tête — la promesse de plus d'armes, de plus de guerre. Je me sens mal à l'aise.
« Les guerres ont toujours existé, » dis-je. « Ça ne veut pas dire que le monde est à sa fin. »
L'homme se contente de sourire. « Tu crois encore qu'il reste un monde à sauver ? »
Je tire Yannis par le bras. « Viens. »
À travers le marché, on dépasse des vendeurs nous offrant désespérément du pain rassis et de l'eau contaminé. Mes yeux sont attirés par une femme qui devait avoir l'âge de ma sœur avant sa mort, tenant un enfant squelettique contre sa poitrine. (Angelina Tsigounis)