- Contenez la menace! Aucune anomalie ne sera tolérée! gronde-t-elle à travers le chaos, sa voix amplifiée par les implants métalliques greffés à ses cordes vocales.
Devant elle, l’air se teinte d’un mur sombre, d’une fumée noire. Des monticules de cadavres empilés les uns sur les autres jonchent le champ de bataille. De grandes flammes rougeoyantes les dévorent jusqu’à n’en laisser que des cendres, laissant une odeur âcre, une odeur de chair calcinée dans l’air. Au loin, des hurlements de douleur se mêlent aux détonations et aux sifflements stridents qui résonnent dans l’air depuis l’aube, comme un écho incessant.
Une silhouette émerge du brouillard de fumée, rampe au sol en gémissant comme un vulgaire parasite. Elle scrute un instant l’homme et reconnaît les haillons de la rébellion qu’il porte. Son regard devient plus dur, plus froid et d’un geste précis, sans porter la moindre importance au regard suppliant de l’éclopé, elle appuie sur la gâchette, sans même y réfléchir. Un bruit sourd retentit et la tête de l’homme s’effondre au sol, un dernier sanglot encore bloqué dans sa gorge. Elle enjambe le cadavre et la mare de sang chaud qui en découle, une grimace de dégoût traverse succinctement ses traits.
«Bon débarras, pense-t-elle, il n’y a pas de place pour la vermine comme lui.» Ce jugement impitoyable résonne automatiquement dans son esprit, comme un écho de la réalité brutale qui s’est imposée à la Terre depuis quelques décennies.
Depuis que les changements climatiques, exacerbés par la surpopulation, ont dévasté la Terre, la planète est devenue un lieu où plus rien ne croît, plus rien ne naît, plus rien ne vit. Les maladies prolifèrent et la température de la terre atteint des niveaux insoutenables : le jour, il fait beaucoup trop chaud et la nuit, beaucoup trop froid. Dans l’urgence, les scientifiques ont réussi à construire une station spatiale de la taille de ce qu’était les États-Unis avant le cataclysme qui les a réduits de moitié, offrant ainsi un refuge aux quelques chanceux capables d’échapper à la lente chute de la civilisation. Seuls les plus fortunés ont accès à des vaisseaux pour atteindre ce sanctuaire, laissant derrière eux le reste de la population, condamnée à mourir lentement sous l’assaut de la chaleur, du froid et des épidémies.
C’est à ce moment que la rébellion c’est formée, des survivants désespérés se sont unis. Ils avaient tous le même but : survivre. Depuis plusieurs semaines maintenant, ils tentent farouchement de monter à bord des derniers vaisseaux en direction de la station. C’est pour cela qu’elle est là, c’est pour cela qu’elle a été transformée en machine. Elle est devenue un cyborg, forgée pour protéger les vaisseaux des derniers privilégiés. Avant sa transformation, ses souvenirs sont flous, presque inexistants. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle n’a qu’une seule mission: contenir la menace.
Comme par automatisme, elle progresse à travers le champ de bataille, sa voix perçant l’air, hurlant des ordres à son armée de cyborgs :
- Contenez la menace! Aucune anomalie ne sera tolérée!
Elle avance, guidée par un instinct d’acier, une force froide et inhumaine qui la pousse à continuer son chemin. Elle ne connaît ni pitié ni compassion : les cadavres, les flammes, la douleur qui l’entoure semblent ne pas l'atteindre, comme si elle avait été façonnée pour ignorer toute humanité.