L'implant

L'implant

by Angelina D'Angelo -
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L’implant

Je me suis réveillé en sursaut, le cœur battant à tout rompre. Une angoisse sourde m’oppressait la poitrine, sans raison apparente. Ma vision était trouble, mes mains moites. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui n’allait pas. Pourtant, j’avais suivi le protocole à la lettre. Comme chaque matin, j’ai préparé mon café bien chaud, beurré une tranche de pain grillé et tenté d’ignorer cette sensation de malaise qui me rongeait depuis mon réveil. Ce n’était qu’un matin comme un autre, du moins, c’est ce que je voulais croire. Je me suis habillé, puis j’ai attendu que le temps passe. Il n’avait plus rien à faire. Depuis trois mois, je n’avais plus d’emploi. Mon licenciement semblait si lointain, pourtant une brûlure persistait sous ma peau sans que l’implant ne puisse y faire quoi que ce soit.  

Hier, j’ai eu ma première évaluation depuis l’implantation de ma puce dans mon cerveau. Un mois déjà. L’IA-médecin m’a posé les questions habituelles : « Avez-vous remarqué des changements dans votre humeur ? Des effets indésirables ? Des pensées inhabituelles ? » J’ai répondu non. Après tout, tout semblait normal. Ma dépression s'était estompée depuis maintenant deux semaines. J’avais retrouvé l’envie de vivre, de sortir et de faire des activités. Malgré les sensations étranges qui se passaient dans mon corps ce matin-là, les idées noires s'étaient envolées avec les oiseaux. 

Depuis plus d’un siècle, tout était contrôlé par les robots. Il avait pris le contrôle de la planète entière. Chaque tâche est automatisée, chaque besoin prédit et comblé avant même qu’il ne soit exprimé. Les humains, comme moi, ne servaient plus à rien dans ce monde. Un monde si ordonné, si magique, sans aucun problème. L’intelligence avait remplacé tout ce que l’homme avait autrefois créé de ses mains. Les emplois de base, les services publics, les petites occupations de la vie quotidienne, tout ça avait été pris en charge. Les robots m’avaient remplacé. Je ne faisais plus rien. Rien de réel. Juste une ombre, traversant une existence qu'on ne m'avait même pas demandé de choisir. 

Il existe toujours des êtres humains dans ce monde, mais nous sommes si peu nombreux que j’en oublie presque leur existence. Ils sont comme moi, des ombres errant dans un quotidien vidé de sens. Je croise deux ou trois d’entre eux chaque jour, mais leurs visages, eux aussi, semblent flous, presque étrangers. En revanche, les robots, eux, je les vois partout, chaque jour, par dizaines, toujours au même moment, toujours avec la même indifférence. Je ne parle à personne, je ne sais pas ce que ces rares humains ressentent. Peut-être ressentent-ils la même absence d’objectif que moi, cette sensation de glisser à travers la vie sans vraiment y participer. Les robots ne sont que des machines, sans âme, mais même dans leur froideur, ils semblent plus vivants que nous, plus présents dans ce monde qui nous a effacés.

Ce matin encore, j’aurais dû ressentir quelque chose. De la peur face à cette angoisse sourde. De la frustration à l’idée d’être inutile. Peut-être même un peu de nostalgie en repensant à ma vie d’avant.

Mais rien.

Juste un vide.

Une absence de réaction. Comme si mon corps enregistrait l'événement, mais que mon esprit s’en détachait complètement. Aucun sentiment n'est détecté.