Après plusieurs semaines d’escalade rapide des tensions entre les puissants dirigeants à la tête de la planète, la tempête a éclaté, foudroyant tout sur son passage. À la radio, les voix tremblantes des journalistes peinent à décrire ces scènes d’horreurs; en pleine canicule printanière inhabituelle, on s’échange des missiles entre continents, entre pays, entre villes. Les villages brûlent et les campagnes sont ravagées par les flammes, laissant derrière eux de plus en plus de démunis, prisonniers de cette chaleur étouffante. Les tablettes des épiceries se vident peu à peu. Les gens commencent à se réfugier où on peut les accueillir, désespérés de survivre à ces bombardements de projectiles et de chaleur. Au même moment, ces mêmes personnes se méfient les uns des autres et ne communiquent plus entre eux par crainte de trahison dans cette période d’instabilité. Dehors, il fait si chaud, si sec. À l’intérieur il fait si frais, si humide. Tous demeurent sur leurs gardes, l’incertitude s’étant emparée d'eux bien avant le début de ce cauchemar.
Des tremblements répétitifs secouent le sol, puis une lumière étrangement aveuglante vient s’emparer de mon corps. Ébranlée, je bondis sur mes deux pieds, aveuglée par ces jets de rayons lumineux avant de me rendre compte de mon état actuel. Les draps fleuris de mon lit sont froissés, mes oreillers soyeux sont au sol, mes rideaux sont écartés laissant la lumière du jour pénétrer dans ma chambre et mon réveil matin sautille sur ma table de nuit faisant vibrer ma chambre entière. En regardant à travers la grande fenêtre donnant sur mon jardin de tulipes qui baigne dans la lumière dorée du matin, j’observe les spectacles des mouettes dansant en cercles à travers le ciel dégagé en cette belle journée de printemps. La légère brise fait onduler les quelques bourgeons ayant montré leurs couleurs. Ce chaos, cette guerre; c’était un rêve, un mauvais rêve. Ce même mauvais rêve qui dérange mon sommeil nuit après nuit. Cette même vue de mon jardin qui était brouillée par des particules de fumée et de cendre à travers un ciel orangé il y a à peine quelques minutes. Toujours ébranlée par ces scènes de chaos qui sont venues hanter mon esprit, je prends quelques grandes respirations avant de me diriger pour mon travail.
En mettant le pied hors de ma modeste demeure, la brise printanière me heurte immédiatement le visage, étant peu habituée à cette fraicheur matinale. Ne me souvenant pas à quand remontait la dernière fois où notre village a vu un si beau temps par une journée de printemps, je marche lentement sur le sentier de pavé menant à ma clinique médicale à laquelle je travaille, située au centre de la ville. Chaque pas posé au sol, entourés d’arbres en fleurs, semble me ramener graduellement à la douce réalité, loin du chaos suffocant qu’était mon cauchemar. Sur mon passage, alors que je salue les commerçants du village qui commencent tout juste à ouvrir les portes de leur commerce pour la journée, ceux-ci détournent leurs regards en m’offrant cependant un accueil froid et distant.