Premier jet - Danika Ethier

Premier jet - Danika Ethier

par Danika Ethier,
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Arbres, feuilles, roches; ce qu’elle voit.

Sapins, fleurs, mousse; ce qu’elle sent.

Oiseaux, rongeurs, insectes; ce qu’elle entend.

Faim, soif… puissance; ce qu’elle ressent.

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Dans son laboratoire, Victoria étudie les mutations génétiques qui peuvent se produire au niveau des érythrocytes, un type de cellules sanguines. Il s’agit du sujet de sa thèse au doctorat en génétique de l’université de Sherbrooke. Durant son parcours scolaire, elle a entre autres participé à une recherche sur l’anémie falciforme, une maladie causée par une mutation de l’hémoglobine contenue dans les érythrocytes.

Aujourd’hui, Victoria analyse quatre éprouvettes de sang provenant de patients qui semblent être atteints d’un problème de santé. Son but : déterminer si leurs cellules sanguines sont en cause. Quand Victoria entend les cloches de l’église sonner dix-sept heures, elle quitte le laboratoire et se dirige vers sa résidence universitaire. C’est un soir d’automne, le ciel s’assombrit plus tôt de jour en jour. Le vent froid souffle les feuilles mortes dans la rue et refroidit les doigts nus de Victoria. Celle-ci s’imagine à cet instant à quoi pourrait ressembler une vie sans les désavantages de l’existence humaine. Une vie dans laquelle les êtres n’ont jamais froid, faim ou encore besoin de dormir. Sachant que la vie humaine est courte, elle pense à la quantité de temps incroyable qu’elle économiserait si elle n’avait pas à dormir. Ce serait une façon de véritablement maximiser son temps sur terre. Sa réflexion s’interrompt lorsqu’elle se rend compte qu’elle est devant la porte de sa résidence. Elle y entre, sort un restant de salade du réfrigérateur et s’installe sur son lit devant son émission préférée : Vampire Diaries. Elle écoute un épisode ou deux, prend sa douche dans les salles de bain communes et revient se mettre au lit de bonne heure; une grosse journée l’attend demain.

Le lendemain, le cadran de Victoria sonne à six heures tapantes. À moitié-endormie, elle s’habille et se dirige au laboratoire. Une fois arrivée, elle sort les éprouvettes de sang du réfrigérateur et commence ses analyses. À mesure que le temps passe, Victoria se remémore sa réflexion de la veille. Elle se demande vraiment s’il serait possible de créer des êtres qui n’ont pas besoin de se nourrir ou de se reposer; des êtres qui ont comme but unique de maximiser la durée de leur existence. Tout d’un coup, une idée lui vient en tête. Elle réalise qu’elle étudie en génétique après tout. Et si une mutation génétique pourrait être à l’origine de ces êtres super-naturels qui la fascinent tant ? Étant expérimentée avec la méthodologie scientifique, Victoria est bien au courant qu’il ne serait pas éthique de modifier volontairement le code génétique d’un être humain innocent afin de mener à terme une recherche ayant pour but de littéralement le déshumaniser. Cependant, rien ne l’empêche de mener cette étude en secret sur elle-même. De toute façon, elle est toujours seule au laboratoire, personne ne le saurait. Elle s’empare donc d’une seringue et l’insère dans son bras. Quoi de mieux que débuter par un test sanguin ? Elle retire suffisamment de sang pour remplir deux éprouvettes. L’une d’entre-elles servira de contrôle et l’autre servira à l’expérimentation.