Les hautes tours de verre reflètent une lumière bleue froide sous le ciel nocturne, tandis que les hologrammes publicitaires projettent des ombres tremblantes sur les rues humides. L’air est saturé d’une odeur de pétrole mouillé et de circuits brûlés, parfois interrompue par le bourdonnement des drones de surveillance qui passent à basse altitude. Ce monde est dévoré par les données : les humains vivent en symbiose avec l’information, leurs pensées sont filtrées par des algorithmes, leurs souvenirs se modifient à volonté.
Alysse se tient sous un pont suspendu abandonné. L’eau de pluie s’écoule le long des structures métalliques rouillées, formant des flaques sombres sous ses pieds. Elle resserre son capuchon et lève les yeux vers le ciel — une barrière lumineuse semi-transparente recouvre la ville, semblable à un gigantesque réseau neuronal qui maintient chaque conscience prisonnière du système.
Alysse est une chasseuse de données, spécialisée dans la récupération d’informations censurées par le gouvernement pour des clients fortunés. Son corps est modifié avec précision : un décodeur intégré à sa rétine lui permet d’accéder à des flux cryptés, et ses doigts peuvent se connecter directement aux terminaux réseau. Elle fait glisser sa main dans l’air et un écran holographique apparaît devant elle, affichant une mission récemment reçue : retrouver un code disparu.
L’identité du commanditaire est inconnue, mais la somme proposée est vertigineuse. Pourtant, ce n’est pas l’argent qui l’inquiète. « Disparu », ce mot la met mal à l’aise. Dans ce monde, une information ne disparaît jamais : elle est soit cachée, soit verrouillée. Seul le gouvernement a le pouvoir de l’effacer définitivement. Si ce code a disparu, c’est forcément parce qu’il renferme un secret interdit.
Elle hésite à peine avant d’appuyer sur l’écran holographique. Un lien crypté se déverrouille immédiatement, affichant une série de coordonnées. La destination indiquée mène aux profondeurs du Dark Web, plus précisément à une zone morte, un endroit où même les meilleurs hackers n’osent pas s’aventurer.
Alysse progresse dans une ruelle étroite, évite les caméras de surveillance et atteint une station de données dissimulée derrière un centre commercial en ruines. Autrefois, ce lieu appartient au marché noir de l’information, mais aujourd’hui, il ne reste que des câbles hors service et des serveurs abandonnés. Elle soulève une plaque métallique endommagée, glisse sa main sous les fils entremêlés et connecte son implant neural. Son esprit quitte son corps, traverse une cascade de pare-feu encryptés et atteint un espace silencieux et sombre. Aucune donnée ne circule, aucun signal ne clignote. Tout semble figé, comme si elle vient d’entrer dans un cimetière numérique.
Elle tente d’accéder aux informations cachées, mais chaque tentative ne rencontre qu’un vide oppressant. Quelqu’un efface jusqu’à la moindre trace de données.
Alors qu'elle réfléchit à ce qu'elle devait faire, une voix grave résonne dans son esprit.
— "Enfin, te voilà."
Alysse sent son cœur accélérer, et ses neufs passent en mode de défense maximal. Elle scrute l’espace autour d’elle, mais cette zone morte est complètement vide. Il n’y a qu’elle. Cette voix… C’est comme une présence qui entre directement dans son esprit.
Elle prend une inspiration et demande d’une voix mesurée :
— "Qui es-tu ?"
Un silence. Puis la voix revient, entrecoupée de crépitements électriques.
— "Je suis Locke."
Ce nom appartient à une légende. Le plus grand hacker de son époque, le seul à avoir réussi à percer les défenses du gouvernement. Il disparaît il y a des années, sans laisser la moindre trace, comme s’il n’a jamais existé.
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