Une mélodie de violons anime la salle à manger luxueuse d’un rythme enjoué. Des arômes d’épices, de fruits et de viandes fraiches émanent des plats exotiques encore fumants de chaleur, soigneusement placés sur la grande table au centre de la pièce. Un homme a déjà rempli son assiette, dégustant les mets méticuleusement préparés par le chef. Ce soir, c’est la fête. Il célèbre l'inauguration de son plus grand chef-d’œuvre, son Magnum Opus.
- Andora, ma chère, je suis contant que tu sois ici ce soir. Ça fait bien trop longtemps que je t’ai vue. J’arrive à peine à me souvenir de la dernière fois que nous avons souper ensemble, un rire nostalgique l’échappe alors qu’il contemple la femme en face de lui.
- Tu ne te sers pas? Tout cela est pour toi, tu sais...
Andora ne lui offre aucune réponse. Ses yeux froids le fixent depuis qu’ils se sont assis. Même les plats alléchants devant elle ne peuvent la convaincre de bouger ou détourner son regard ferme de l’homme.
- Je vois... Tu es en colère que je ne suis pas allé te chercher plus tôt… Sache que tu ne m’as pas rendu la tâche facile cette fois. Je t’ai cherché jours et nuits.
Silence.
L’homme se lève, se dirigeant vers Andora, soupirant. Arrivé à ces côtés, Andora n’a toujours pas détourné son regard de la place en face d’elle où il était autrefois assis. Même lorsqu’il penche vers elle, déposant un léger baiser sur son front et caressant son visage aussi froid que son regard, elle ne bouge pas. D’une main, il penche sa tête légèrement vers l’arrière et ouvre sa bouche avec son pouce. De l’autre, il verse le contenu rouge d’une des coupes placées sur la table dans sa bouche.
Andora reste inerte, laissant un liquide brulant couler le long de sa gorge, et de son œsophage, avant de remplir son estomac. Une chaleur irradie des profondeurs de son ventre. Sa bouche est rapidement occupée par un morceau de viande déposé par l’homme. Elle n’avale pas, la viande gît dans sa bouche grande ouverte.
- Allez, mon amour avale. Tu es capable!
Aucune réaction.
- Je vois, tu préfères que je fasse tout le travail, plaisante l’homme.
Andora reste immobile. L’homme la regarde avec douceur, un sourire bienveillant apparait sur son visage. Il pose un second doux baisé sur son front, gelé, avant d’enfoncer deux doigts dans sa bouche, forçant la nourriture chaude à descendre dans les profondeurs de sa gorge. Andora reste passive face à cette intrusion. Puis, c’est au tour du liquide, rouge sanguin, d’être versé dans sa bouche une fois de plus, ensuite vient un autre morceau de viande. Chaque bouchée enfoncée dans sa gorge, chaque gorgée forcée intensifie la chaleur puissante grandissant dans ses entrailles, chassant le froid paralysant qui la tenait captive. La chaleur s’irradie et coule dans ses veines à travers tout son corps. Un rythme de tambour résonne dans sa tête alors que son cœur et cerveau se gorge du liquide chaud. Son corps spasme. Son premier mouvement de la soirée. L’homme cesse de la nourrir. Il observe ses faibles tremblements avec anticipation.
Andora tourne la tête brusquement, finalement éveillé par cette chaleur vivante, elle observe ses alentours inconnus. Un gout métallique dans sa bouche la dérange. Devant elle, il ne reste plus que la carasse d’un animal dérobé de sa chair, gisant sur une grande assiette.
- Andora, ma chérie, tu es de retour!
L’homme l’enlace dans ces bras. Andora ne sait pas où elle est, qui il est. Sa mémoire renaissante est encore floue. Ses yeux rencontrent ceux de l’homme, brulant d’amour, alors qu’il prend tendrement son visage entre ces mains. Cet homme à une apparence si familière, mais peut-être est-ce à cause de sa forme étrangement similaire à celle de la carcasse osseuse sur la table.