—- Quoi ? Le légendaire Baba Yaga refuserait une mission ? Je te voyais pourtant comme une machine à tuer, prête à tout sacrifier à la vue de l'or.
—- Gorr, toi comme moi savons ce que signifie accepter cette mission.
—- Oui, mais c'est toi qui dois la mener à bien. Toi seul en es capable. Pourquoi crois-tu que je suis venu te voir ? Tu deviens vraiment doué pour perdre ton temps en paroles inutiles. Thena t'attend, non ? Je sais que tu n'as pas le choix.
Gorr et ses hommes ouvrirent la porte, prêts à partir, laissant Rhode seul dans la pièce hermétique et insonorisée.
—- Mon ami, la moitié de l'Empire Galactique convoite ce maudit bras. Ce n'est pas un simple membre artificiel. Quiconque s'en empare déclenchera des conséquences que ni toi, ni moi, ni même l'Empereur ne pourront assumer. Il n'y a aucun retour possible pour nous cette fois. Tu le sais, mon plus fidèle ami... Je ne peux compter que sur toi. Adieu.
Son œil cybernétique récemment implanté se fondit dans l'obscurité enfiévrée du club, lançant un dernier regard à Rhode, tel un démon cyclopéen avant de disparaître. L'influence de Gorr s'étendait sur toute la planète Karina. Officiellement, il administrait les usines de moteurs antigravité sous l'autorité directe de l'Empereur Galactique. Officieusement, il dirigeait une armée de plusieurs milliers de soldats sous couvert d'une milice d'autodéfense. Contrebande, persécutions, massacres—tout menait inévitablement à lui.
Rhode ne dit rien. Il savait qu'il n'avait rien à dire. Aucune parole ne changerait quoi que ce soit. Il n'était qu'une arme, une lame rongée par la rouille et le sang coagulé. Peut-être n'était-il qu'une coquille vide, un simple débris flottant dans le néant d'un univers obscur, sans but, sans horizon.
Il devait partir. Accomplir cette mission pourrait peut-être alléger les souffrances de Thena lors des pluies de mercure. Sa destination : la planète Eionir, située à environ onze années-lumière de Karina.
La bonne nouvelle, c'est que Gorr ne rechignait pas à fournir du soutien à ses hommes lorsqu'ils en avaient besoin. Il leur avait donc attribué un vaisseau à hyperpropulsion Osborn, une faux mécanique radiant et deux assassins pour l'accompagner. Mais tout le monde savait que ces deux-là ne seraient jamais ses alliés. Rien ne primerait jamais sur la mission à leurs yeux.
La planète Eionir n'était pas ordinaire. Sa périphérie était encerclée par une multitude de fragments d'anciens satellites naturels, déchirés sous l'effet des forces de marée à l'intérieur de la limite de Roche. Ces débris formaient un anneau meurtrier. Les chasseurs de primes ordinaires ou les simples miliciens de Pinkerton n'avaient d'autre choix que d'observer de loin, sous peine de finir pulvérisé par un éclat de lune brisé.
Ce vaisseau, combinant combat, furtivité et vitesse, permettrait à Rhode et aux deux autres passagers d'atterrir en toute sécurité à la surface de la planète. L’Osborn commença par synchroniser sa vitesse et sa direction avec le mouvement des débris de satellites en orbite. Ensuite, il s’agrippa autant que possible à un gigantesque fragment rocheux pour éviter toute dérive imprévue. Une fois stabilisé, le vaisseau lança une pluie continue de missiles vers le bas, pulvérisant les débris afin d’ouvrir une brèche pour la descente de l’équipe. Lorsque l’ouverture fut suffisamment large, la capsule de descente transportant Rhode et ses deux compagnons fut propulsée à grande vitesse vers la surface de la planète.
Au moment où l’écoutille s’ouvrit, la faux mécanique Radiant trancha la tempête de sable, laissant derrière elle une fissure violette dans le tourbillon poussiéreux. L’environnement extrême et le climat impitoyable semblaient n’avoir aucun effet sur les trois mercenaires.